Titre

Contrôle des voies aériennes

DISPOSITIFS D'AIDE A L'INTUBATION

Auteur

Docteur Eric WIEL, Christian ERB

DARC 2   Lille

I – POSITION ET Manœuvres

             1.1 Position

            L’intubation orotrachéale peut être facilitée par la réalisation de la position modifiée de Jackson [1]. Cette manœuvre permet l'alignement des axes oral, pharyngé et laryngé, ou en diminue l’angulation pour favoriser l'exposition du larynx. Elle repose sur la surélévation de la tête par un coussin ou des champs pliés (environ 5 cm). La flexion du cou sur le thorax vise à aligner les axes pharyngé et laryngé, la mise en extension de la tête sur le cou aligne alors l'axe oral avec l’axe pharyngo-laryngé. L’association des mouvements permet la visualisation du larynx. En cas de suspicion de difficulté, le patient est installé dans cette position.

L’emploi d’une lame courbe, type Macintosh, introduite dans la vallécule ou repli glosso-épiglottique, à laquelle on imprime un mouvement de traction du laryngoscope vers l'avant pour déplacer antérieurement la base de langue et soulever l'épiglotte par un jeu de bascule de l'os hyoïde ; va permettre de faire apparaître la glotte. Le recours à une lame droite nécessite l’avancée de son extrémité au-delà de l'épiglotte qui est dite "chargée". Si la lame est trop avancée le larynx en entier peut être "chargé" par la lame. Il faut alors la retirer doucement jusqu'à ce que le larynx soit visualisé. Ainsi, la sonde d'intubation est introduite dans le larynx sous contrôle de la vue.

Chez l'adulte, la sonde est généralement enfoncée jusqu'au repère 21 pour la femme et 23 pour l’homme pour que l'extrémité soit en bonne position [2]. Selon Stone et Bogdonoff [2], chez l'adulte la distance moyenne dents-cordes vocales est de 12 à 15 cm et de 10 à 15 cm pour celle cordes vocales-carène.

                 1.2 Les manoeuvres

Face à une exposition difficile, la première manœuvre à réaliser est de s’assurer que la tête du patient est en position amendée de Jackson. La deuxième manœuvre est une pression sur le cartilage thyroïde. Cette simple manœuvre peut réduire l’incidence des grades 3 de Cormack de 9 % à 5,4 % [3]. Benumof et Cooper [4] ont étudié l’amélioration du grade de Cormack après appui sur les cartilages laryngés. L’appui sur l’os hyoïde n’améliorait l’exposition que dans 1 % des cas, sur la partie supérieure du thyroïde dans 40 % des cas, sur la partie inférieure dans 48 % des cas et sur le cricoïde dans 11 % des cas. L’efficacité de cette manœuvre est d’autant meilleure que le grade est plus élevé. Une variante de l’appui thyroïdien a été proposée par Knill [5] : le cartilage thyroïdien est maintenu entre le pouce et l’index par un aide qui exerce une pression postérieure vers le haut et vers la droite ; cette manœuvre est appelée BURP. Une autre étude a comparé l’efficacité de la simple pression et celle du BURP [6]. Cette dernière est plus efficace mais les deux techniques améliorent significativement le grade de Cormack.

 II. LE MATERIEL

 2.1 La pince de Magill

En cas d’intubation par voie nasotrachéale, on choisira en première intention la narine gauche qui facilite la préhension de la sonde par la pince de Magill en raison de l'espace plus important laissé à droite [7]. Après que la sonde soit entrée dans l'oropharynx, la laryngoscopie est réalisée. La sonde est alors saisie avec la pince de Magill au-dessus du ballonnet et dirigée vers le larynx. La pince de Magill doit être perpendiculaire à l'axe longitudinal de la sonde. Elle ne tire pas sur la sonde mais suit grâce à un mouvement de poignet la progression de la sonde poussée par un aide, évitant de traumatiser le larynx [7].

 2.2 Les lames

L’emploi de la lame de Miller est recommandé chez les patients rétrognathes ou ayant une distance menton-os-hyoïde ou menton-thyroïde courte et chez les patients ayant une épiglotte longue et flottante [8]. La lame 4 est recommandée chez les patients à cou long et chez les grands obèses [8]. Une étude réalisée chez 181 patients adultes, a montré que le grade de Cormack était meilleur si on utilisait une lame de Miller [4].

 2.3 Mandrin souple et bougie

La technique d’intubation avec une bougie est simple. Elle est recommandée chaque fois que seule l’épiglotte ou la partie postérieure du larynx sont visibles (Cormack 2 ou 3). La bougie est alors introduite à l’aveugle sous l’épiglotte. La position est confirmée par : 1) la sensation de ressaut quand l’extrémité distale recourbée vers le haut frotte sur les cartilages trachéaux ; 2) une résistance à la progression quand la bougie atteint la troisième génération bronchique ; 3) la toux du patient s’il n’est pas curarisé. La sonde d’intubation est alors glissée sur la bougie jusque dans la trachée. Le passage du larynx est facilité par la rotation de la sonde en sens anti-horaire pour positionner le biseau vers le bas. Il est recommandé de maintenir le laryngoscope en place pendant cette manœuvre [9]. Il existe plusieurs types de bougie : de Macintosh et d’Eschmann (PortexÒ) en latex à extrémité recourbée et mesurant 60 cm de long [10] ; les bougies creuses type introducteur de Frova ou cathéter d’intubation et d’aspiration de Ciaglia (CookÒ France) permettant d’adapter un capnographe [11] ou la jet ventilation [12]. Les mandrins courts rigides ne doivent plus être utilisés en raison du risque de déchirure trachéale.

2.4 Le laryngoscope de MacCoy

La lame qui équipe le laryngoscope de McCoy est une lame de Macintosh modifiée. L'extrémité distale est articulée et peut être relevée au moyen d'un levier solidaire de la lame [13]. Le manche est celui d'un laryngoscope classique. Il est muni d'une charnière dans laquelle la lame s'accroche par une connexion à type de crochets.

Le laryngoscope est utilisé pour son introduction comme un laryngoscope classique. Le manche est tenu dans sa partie médiane pour ne pas être gêné par le levier [13, 14]. Une fois la pointe de la lame positionnée dans la vallécule si l'exposition glottique est insuffisante pour permettre l'intubation (Cormack 3 ou 4) le levier est activé par pression progressive avec le pouce pour le rapprocher du manche du laryngoscope afin de relever progressivement la partie distale mobile. Cette manœuvre permet le relèvement de l'épiglotte et améliore l'exposition glottique permettant l'intubation dans la majorité des cas, en association ou non avec d'autres moyens : pression sur le cartilage thyroïde ou emploi d'une bougie [15, 16].

Une étude réalisée chez 100 patients, 93 % des grades 3 ont été transformés en grade 1 et 2 et tous les grades 4 en grade 2 après activation du levier [17]. Cependant d'autres études comparant la lame de Macintosh avec la lame de McCoy non activée attirent l'attention sur la moins bonne performance de cette dernière [18, 19].

L'intérêt est de pouvoir réaliser une intubation chez certains patients dont l'exposition glottique est difficile sans exercer une traction importante sur le manche du laryngoscope et en diminuant le risque de traumatisme dentaire [19].


BIBLIOGRAPHIE

1.        Société Française d'Anesthésie et de Réanimation. Expertise collective. Intubation difficile. Ann Fr Anesth Réanim 1996 ; 15: 207-214.

2.        Stone DJ, Bogdonoff DL. Airway considerations in the management of patients requiring long term endotracheal intubation. Anesth Analg 1992 ; 74: 276.

3.        Wilson ME, Spiegelhater D, Robertson JA, Lesser P. Predicting difficult intubation. Br J Anaesth 1988 ; 61 : 211-6.

4.        Benumof JL, Cooper SD. Quantitative improvement in laryngoscopic view by optimal external laryngeal manipulation. J Clin Anesth 1996 ; 8 : 136-40.

5.        Knill RL. Difficult laryngoscopy made easy with a ‘BURP’. Can J Anaesth 1993 ; 40 : 279-82.

6.        Takahata O, Kubota M, Ramiya K et al. The efficacy of the ‘BURP’ maneuver during a difficult laryngoscopy. Anesth Analg 1997 ; 84 :419-21.

7.        Stone D, Gal J. Comment assurer la liberté des voies aériennes. In: R.D. Miller, Anesthésie, Paris, Flammarion, 1997: 1403-1435.

8.        Benumof JL. Difficult laryngoscopy : obtaining the best view. Can J Anaesth 1994 ; 41 : 361-5.

9.        Gataure PS, Vaughan RS, Latto IP. Stimulated difficult intubation. Comparison of the gum elastic bougie and the stylet. Anaesthesia 1996 ; 51 : 935-8.

10.     Artru AA, Schulz AB, Bonneu JJ. Modification of an Eschmann introducer to permit measurement of end-tidal carbon dioxide. Anesth Analg 1989 ; 68 : 129-31.

11.     Spencer RF, Rathmell JP, Visconi CM. A new method for difficult endotracheal intubation : the use of a jet stylet introducer and capnography. Anesth Analg 1995 ; 81 :1079-85.

12.     Gaughan SD, Benumof JL, Ozaki GT. Quantification of the jet function of a jet stylet. Anesth Analg 1992 ; 74 : 580-5.

13.     McCoy EP, Mirakhur RK. The levering laryngoscope. Anaesthesia 1993 ; 48 : 516-9.

14.     Tuckey JP, Cook TM. Forum : an evaluation of the levering laryngoscope. Anaesthesia 1996 ; 51 : 71-3.

15.     Randell T, Maattanen M, Kytta J. The best view at laryngoscopy using the McCoy laryngoscope with and without cricoid pressure. Anaesthesia 1998 ; 53 : 536-9.

16.     Chisholm DG, Calder I. Experience with the McCoy laryngoscope in difficult laryngoscopy. Anaesthesia 1997 ; 52 : 896-913.

17.     Guerre-Berthelot P, Francon D, Bardou VJ, Blache JL. Evaluation de la lame de McCoy pour la laryngoscopie standard. Ann Fr Anesth Réanim 199 ; R 147.

18.     Cook TM, Tuckey JP. A comparison between the Macintosh and the McCoy laryngoscope blades. Anaesthesia 1996 ; 51 : 977-80.

19.       Léon O, Benhamou D. Amélioration de l'exposition glottique par la lame à levier de McCoy. Ann Fr Anesth Réanim 1998 ; 17 : 68-71.